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Patou St Victor fait des histoires

Poésie - Nouvelles - Fanfictions - Les contenus présents sur ce site sont la propriété exclusive de PatouStVictor

- Joyeux Noël miss... - Fic Plus belle la vie / Quand les Boher n'étaient pas encore un couple ! / Décembre 2009

Mercredi 23 décembre – 9h00

 

Samia passe les portes vitrées de l’hôpital de la Timone, un sac de voyage à la main. La chaleur qui règne dans le grand hall la surprend par rapport à la fraîcheur du dehors. Elle s’approche de l’accueil, où une nuée de gens agglutinés ont l’air de parler tous en même temps. Elle réussit à s’approcher d’un hygiaphone, en se glissant tant bien que mal entre une grosse dame qui insiste afin d’avoir un rendez-vous immédiat pour un scanner, et un homme d’une quarantaine d’années qui semble tanguer sur place en s’accrochant tant bien que mal au comptoir d’accueil comme au comptoir d’un bar. Samia fronce le nez en sentant la puissante odeur d’alcool que dégage l’individu. « C’est pas possible… Je suis sûre que si on approche une allumette elle va s’enflammer toute seule ! En voilà un qui doit tuer tous ses microbes dans l’alcool ! »

Elle est de méchante humeur. Le coup de fil de l’hôpital l’a surprise alors qu’elle s’apprêtait à aller prendre une douche avant de partir pour le commissariat, où elle devait effectuer son dernier jour de service avant ses congés. Elle a été obligée d’appeler Léo tout de suite afin qu’il la libère. Le capitaine n’a pas été enchanté par la nouvelle, le commissariat est déjà en sous-effectif en cette période de fêtes, ça tombe vraiment très mal, mais pas moyen de faire autrement. Léo lui a donc accordé un jour de plus en ronchonnant.

Samia demande son chemin pour se rendre à l’hôpital d’enfants, où elle n’a jamais mis les pieds, essaye de retenir les explications longues et un brin nébuleuses d’une préposée débordée qui lui parle mécaniquement sans daigner la regarder, remercie quand même et se dirige vers le long couloir qu’on lui a indiqué. Chemin faisant elle commence à se sentir mal à l’aise. Elle n’a jamais été fan des odeurs médicamenteuses qui stagnent dans les hôpitaux, elles ont toujours eu tendance à lui donner la nausée. Pour tout arranger, elle est bien obligée de s’avouer qu’elle a la frousse et que ça lui serre le ventre. Elle n’est pas en pleine panique mais quand même, si on lui demandait de situer sa peur sur une échelle de 1 à 10, elle dirait bien 6…

Bon, là ça y est, elle est perdue ! Elle a dû se tromper, tourner à gauche alors qu’on lui avait dit de prendre à droite… ou le contraire elle ne sait plus. Soins intensifs… Non, ça n’est pas ça. Et bien sûr il n’y a personne pour l’aider, l’endroit est désert. Samia rebrousse chemin, repart dans le long couloir en sens inverse. Evidemment… elle est passée devant le panneau fléché « hôpital d’enfants » sans le voir. Elle prend un autre couloir à droite, cette fois c’est la bonne direction. Devant elle, elle aperçoit enfin le hall de la pédiatrie, elle se rend compte qu’inconsciemment elle est en train de ralentir le pas, peu pressée qu’elle est d’y arriver. Samia se secoue : « allez ma fille, un peu de cran, tu ne vas pas à l’abattoir ». Plantée devant un grand panneau d’orientation, elle cherche l’étage et le service où elle est attendue, trouve sans difficulté. Samia se dirige vers les ascenseurs, appuie sur le bouton d’appel. Lorsque la double porte s’ouvre devant elle, elle s’engouffre à l’intérieur, prend une grande inspiration pour se donner du courage, et enfonce le bouton d’étage de l’oncologie pédiatrique.

 

Mercredi 23 décembre – 9h00

 

Assis à son bureau en train de rédiger un rapport, Boher jette machinalement un coup d’œil à la pendule murale. « Mais c’est pas vrai ça… Qu’est-ce qu’elle fout bon sang ? » Nassri devrait être là depuis une demi-heure. Bon d’accord c’est son dernier jour de travail, mais ce n’est pas une raison pour en prendre à son aise avec les horaires… Si tout le monde fait ça sous prétexte que c’est la veille du réveillon ! Avec le mal qu’il s’est donné pour établir un planning qui tienne la route entre les congés des uns et la bobologie des autres… Cette fille va finir par le rendre fou !

Exaspéré, il s’empare de son portable, cherche « Nassri » dans ses numéros enregistrés, appuie sur la touche. La boîte vocale, bien sûr ! Boher raccroche sans laisser de message, essaye de se concentrer sur son rapport. 9h10, toujours pas de Nassri. Qu’est-ce qu’elle va prendre ! Il se lève pour aller se servir un verre de lait. Dans la cuisine il tombe sur le capitaine Castelli, assis en train de boire son dixième café de la journée en lisant un dossier.

- C’est bien la peine que je me casse la tête à essayer d’établir des plannings, si tout le monde se met à arriver quand ça l’arrange…

Léo lève le nez de ses papiers.

- Hein ? Vous disiez ?

- Nassri devait commencer à 8h30 et elle n’est toujours pas là. Elle est allée finir ses courses de Noël ou quoi ?

- Ah oui… C’est ma faute, j’ai oublié de vous prévenir. Elle ne viendra pas, elle m’a téléphoné ce matin pour me demander un jour de plus.

- Quoi ? Et vous avez accepté ? Jean-François vous a demandé la même chose hier et vous l’avez envoyé promener à cause du sous-effectif !

- Oui mais là c’est différent, j’avais pas trop le choix, elle est à la Timone depuis ce matin.

- Hein ? Ah oui, vous voulez dire qu’elle est allée voir quelqu’un à l’hôpital ?

- Non, elle n’est allée voir personne.

- Comment ça ? Mais… Vous voulez dire que Nassri est hospitalisée ? Et c’est maintenant que vous me le dites ? Qu’est-ce qui se passe, qu’est-ce qui lui arrive ?

- Rien qui vous regarde Boher, répond le capitaine, sans se laisser impressionner par son subordonné qui le fixe d’un air furieux et inquiet. Et pour le planning, eh ben vous allez vous débrouiller sans elle. Ça ira oui ? Vous arriverez à survivre la journée quand même ? ironise Léo.

Sans attendre la réponse de Boher planté les bras ballants au milieu de la cuisine, il se lève, jette son gobelet vide dans la poubelle et se dirige vers son bureau avec son épais dossier sous le bras.

 

Jeudi 24 décembre – 9h00

 

Boher passe les portes vitrées de l’hôpital de la Timone. La chaleur qui règne dans le grand hall le surprend par rapport à la fraîcheur du dehors, il enlève sa veste en cuir, s’approche de l’accueil, où une nuée de gens agglutinés ont l’air de parler tous en même temps. Il réussit à s’approcher d’un hygiaphone, en se glissant tant bien que mal entre un gros Père Noël qui occupe pratiquement toute la banque d’accueil à lui seul, et une dame âgée appuyée sur sa canne. Il heurte la canne avec son pied sans le faire exprès, rattrape de justesse la canne et la dame, s’excuse, penaud.

- Eh là ! A la queue ! Ça te gène pas trop de passer devant tout le monde toi ?

Boher fait volte-face, toise l’impudent et lui met sa carte de police sous les yeux :

- Police Nationale, c’est prioritaire.

Le jeune beur en jean et blouson, un casque de moto sous le bras, recule d’un pas, mal à l’aise.

- Ça va chef ! Du calme… Je pouvais pas savoir !

- C’est brigadier… et y a pas de problème. Désolé, j’en ai pas pour longtemps.

Boher se retourne, colle sa carte sur la vitre, devant le long nez d’une préposée débordée qui daigne tout juste lui accorder un regard.

- Une de mes collègues est arrivée hier, Samia Nassri. Je voudrais savoir où elle est s’il vous plait.

- Quel service ?

- Si je le savais je viendrais pas vous poser la question, réplique Boher agacé.

- Quel nom vous m’avez dit ?

- Nassri… Samia Nassri.

La dame pianote sur un clavier.

- Désolée j’ai personne de ce nom.

- C’est pas possible, vous avez mal cherché !

- Puisque je vous dis…

- Bon alors là, il y a deux solutions : ou votre fichu terminal déconne, ou alors vous ne savez pas lui parler, donc… je vais rester calme et vous demander de recommencer !

Un bref coup d’œil à son vis-à-vis, et la dame, mue par une nouvelle inspiration, tape frénétiquement de nouveau sur son clavier.

- Attendez, je vais lancer une recherche globale…

- Bonne idée, faites donc ça !

- Je l’ai ! dit la dame, triomphante. J’avais cherché à l’hôpital d’adultes, c’est pour ça que je trouvais pas, elle est à l’hôpital d’enfants.

- Pardon ? dit Boher, surpris. Vous êtes sûre ?

- Evidemment ! Nassri, Samia. Entrée hier matin, service d’oncologie pédiatrique.

- Oncologie ? Ça veut dire cancer non ?

- C’est le service de cancérologie enfants. Alors pour y aller, vous prenez le couloir là-bas devant vous, vous le suivez jusqu’au bout, vous tournez à droite et là…

- Merci, je trouverai !

Courant presque, il est déjà parti.

 

Jeudi 24 décembre – 9h15

 

Boher commence à se sentir mal à l’aise. Il n’a jamais été fan des hôpitaux, il déteste les odeurs qui y règnent. Pour tout arranger, il est bien obligé de s’avouer qu’il a la frousse et que ça lui serre le ventre. Il n’est pas en pleine panique mais quand même, si on lui demandait de situer sa peur sur une échelle de 1 à 10, il dirait bien 6… Bon, là ça y est, le voilà perdu ! Il a dû se tromper de couloir, tourner à gauche alors qu’il aurait sûrement dû prendre à droite… ou le contraire il ne sait plus. Soins intensifs… Non, ça n’est pas ça. Et bien sûr il n’y a personne pour l’aider, l’endroit est désert. Boher rebrousse chemin, repart dans le long couloir en sens inverse. Evidemment… il est passé comme une tempête devant le panneau fléché « hôpital d’enfants » sans le voir. Il prend un autre couloir à droite, cette fois c’est la bonne direction. Devant lui, il aperçoit enfin le hall de la pédiatrie, il accélère inconsciemment le pas, pressé d’y arriver : « Allez quoi, un peu de cran ! Si tu es venu ici, c’est parce que tu es inquiet et que tu veux savoir. »

Planté devant un grand panneau d’orientation, il cherche l’étage et le service, trouve sans difficulté. Boher se dirige vers les ascenseurs, appuie sur le bouton d’appel. Lorsque la double porte s’ouvre devant lui, il s’engouffre à l’intérieur, prend une grande inspiration pour se donner du courage, et enfonce le bouton d’étage de la cancérologie enfants. Pendant que la cabine se hisse plus haut, il sent une sourde angoisse qui continue à l’envahir. Mais qu’est-ce que Nassri fiche ici ? Depuis la veille il vit avec une collection de points d’interrogation dans la tête. Il a essayé de cuisiner Léo, mais le capitaine a réussi à l’éviter toute la matinée, puis il est sorti du commissariat pour une enquête et il ne l’a plus revu. En quittant son service le soir, il est passé au bar du Mistral questionner Mélanie. Malheureusement pour lui, Mélanie est partie la veille réveillonner chez son père. Faute de mieux il s’est rabattu sur Roland, puis Thomas, qui visiblement ne savent rien, il a demandé des nouvelles d’Estelle et Rudy. Thomas, surpris, a répondu que Rudy est de garde pour la nuit du réveillon et qu’Estelle est partie à Cassis chez Victoire, afin de ne pas rester toute seule. Une fois Boher sorti, Roland et Thomas se sont regardés.

- Mais qu’est-ce qu’il a lui, ce soir, à demander après tout le monde ?

- Aucune idée, dit Thomas. Tu sais, ce qui se passe dans la tête de Boher, moi j’y comprends rien !

Sans plus se poser de questions ils sont passés à autre chose. Boher est rentré chez lui, et après une nuit blanche à se tourner et à se retourner dans son lit sans pouvoir fermer l’œil, le matin il a décidé d’aller à la Timone. Il n’avait certes pas envisagé de passer son premier jour de congé dans un hôpital, mais il sait pertinemment que son inquiétude ne sera pas apaisée tant qu’il ne saura pas ce qui se passe, alors autant s’éviter des nuits supplémentaires sans dormir. Quoique… s’il s’avoue les choses avec franchise, ça ne sera sûrement pas la première ni la dernière fois que ses pensées volent vers Samia, et l’empêchent de trouver le sommeil !

Les portes s’ouvrent. Boher sort de l’ascenseur, hésite puis fait quelques pas dans le long couloir en direction du panneau « bureau des infirmières ». Aux murs, sont peints des petits personnages très colorés, des ballons, des clowns, afin d’égayer les lieux. Des guirlandes et des boules de Noël décorent les mains courantes le long des murs. Du houx et des boules de gui ont été suspendus tant bien que mal au plafond. Et la première personne que Boher aperçoit, sortant du bureau, c’est Rudy, blouse blanche ouverte et un stéthoscope autour du cou.

 

Jeudi 24 décembre - 9h40

 

En reconnaissant Boher, Rudy hausse les sourcils, surpris.

- Brigadier ? Qu’est-ce que vous faites ici un jour de réveillon ?

- Bonjour Monsieur Torrès. Je ne savais pas que vous bossiez en pédiatrie.

- Plus pour longtemps, mon stage se termine la semaine prochaine. Je peux vous aider ?

- Oui, je viens voir Samia Nassri.

- Ah désolé, c’est trop tard. Elle vient de partir au bloc.

Boher déglutit péniblement, arrive, au prix d’un violent effort, à rester impassible devant Rudy et à ne lui poser aucune question. Il sait bien que si le jeune homme s’aperçoit qu’il est venu ici au culot, ce n’est pas lui qui va lui donner des explications. Le secret médical… Il réussit à regarder Rudy droit dans les yeux.

- Et… vous pensez que ça va être long ? Je peux peut être attendre ici ?

- Oui bien sûr. Je vais vous conduire à la salle d’attente, elle en a sûrement pour la matinée. Venez avec moi.

Il suit Rudy, se rassurant comme il peut en pensant que le jeune Torrès n’a pas l’air inquiet. Une fois Boher installé sur une chaise inconfortable, il s’excuse de l’abandonner car il doit préparer les visites. Calant son dos comme il peut contre le dossier dur de la chaise, Boher croise les bras, soupire et se dit qu’il va passer de longues heures tout seul dans son coin. Il jette un regard autour de lui. Aux murs, quasiment les mêmes peintures que dans le couloir. Quelques guirlandes, agrémentées de boules multicolores, sont entortillées tant bien que mal autour du globe d’éclairage. Il fait une chaleur de four, mais il hésite à ouvrir la fenêtre.

Il s’empare d’un magazine qui traîne sur une table, le feuillette machinalement, s’aperçoit qu’il date de plus de six mois et le repose là où il l’avait pris. Tout d’un coup il se sent observé, regarde vers l’entrée. Une petite fille d’environ sept ans le dévisage en souriant. Toute menue, un teint blafard, vêtue d’un mignon jogging rose pâle, un petit foulard rose et blanc sur sa tête noué dans la nuque, cachant probablement un crâne dégarni par un lourd traitement. Il lui rend son sourire, un peu mal à l’aise. La petite se dirige vers lui, le dévisage avec de beaux yeux, verts comme de jeunes pousses.

- C’est toi qui es venu voir la jolie dame ? Je t’ai entendu parler avec Rudy.

- Euh oui… Elle s’appelle Samia.

- Je sais. Tu viens avec moi ? Je vais te montrer la salle de jeux. Tu y seras bien mieux qu’ici tu verras.

Il hésite un peu…

- C’est-à-dire que… si elle revient…

- T’inquiète, je sais à peu près vers quelle heure on va la ramener j’ai l’habitude. Si elle se réveille bien, ils vont la remonter entre onze heures et midi. Faudra pas t’inquiéter, elle va revenir avec une poche de sang, c’est normal d’avoir une transfusion après avoir fait un don de moelle osseuse. T’auras pas peur hein ? Et puis c’est son sang, ça s’appelle une auto transfusion. D’un coup, Boher a l’impression qu’on lui enlève un poids de 500 kilos des épaules… C’était donc ça… C’était « seulement » ça. Il sourit à la petite.

- Non je n’aurai pas peur. Comment tu t’appelles ?

- Eddie.

- C’est ton prénom ça ? dit Boher, étonné.

La petite baisse le nez, il ne voit plus que le haut du foulard rose et blanc.

- Ben… pas tout à fait. Mais j’aime pas mon vrai prénom il est moche, je préfère Eddie.

- Alors c’est quoi ton vrai prénom ? Tu peux me le dire tu sais, chuchote Boher en lui relevant le menton pour la regarder dans les yeux. Je suis policier, j’en parlerai à personne c’est promis !

- C’est Adeline, mais je trouve que c’est pas beau.

- Ah bon ? Pourtant c’est un très joli prénom. Et il te va très bien.

La petite a glissé sans façons sa main dans celle de Boher pour le faire lever. Saisissant sa veste qu’il avait posée sur une chaise, il se laisse guider à travers le couloir. Il n’est pas loin de considérer l’enfant comme un ange tombé du ciel. Depuis qu’elle lui a parlé il ressent un soulagement tel qu’il a l’impression d’être sur un nuage. La salle de jeux où Eddie fait entrer Boher est pratiquement déserte. Il y retrouve le même décor sur les murs, les mêmes boules de Noël, les guirlandes. Dans un coin, un immense sapin bien garni et illuminé, au milieu de la salle de petites tables remplies de livres et de jeux de société divers, et le long d’un mur quelques consoles de jeux. Seulement deux petits malades, en jogging comme Eddie, sont en train de jouer à la console. Boher est surpris qu’il n’y ait quasiment personne.

- C’est normal, répond la petite. Tous ceux qui pouvaient sortir pour Noël sont déjà partis. Il ne reste que ceux qui n’ont pas de famille ici, ou ceux qui sont trop malades pour partir et qui sont dans leurs chambres. Moi, mes parents sont loin, mais je sortirai bientôt, les docteurs disent que je vais guérir. C’est toi son amoureux, à Samia ?

- Euh… C’est mon amie.

- Ah ? dit la petite. Elle a l’air un peu déçue. Puis elle lui sourit. Tu joues à la console ?

- Ben… pas vraiment, je suis nul.

- Alors, lis-moi une histoire de princesse, tu as une jolie voix.

Boher, Eddie sur les genoux, a lu une histoire puis une autre. Il a fait des coloriages, il a papoté de tout et de rien. La petite lui a expliqué gentiment que Samia devait sûrement être inscrite sur un registre de donneurs de moelle osseuse, mais que peut être on ne l’a encore jamais appelée, faute de receveur compatible. Le cœur serré, il se dit que pour savoir tout ça, et être tellement mature pour son âge, elle doit malheureusement baigner dans ce milieu médical depuis longtemps, mais il n’ose pas demander. Et à 11h30, lorsque Rudy est venu le prévenir que Samia remontait de la salle de réveil, il s’est précipité, guidé par Eddie, à la porte de l’ascenseur réservé aux malades couchés. Poussée par un brancardier, allongée, couverte jusqu’au menton et une perfusion dans le bras, Samia a les yeux bien ouverts. En apercevant son coéquipier elle est surprise, puis un grand sourire vient illuminer ses yeux. Elle est tellement contente de le voir… Un rien bouleversé, il s’empare de sa main, la porte à ses lèvres sans plus se poser de questions. Samia la courageuse… Jamais elle n’arrêtera de le surprendre !

 

Vendredi 25 décembre – 7h30

 

Boher a passé tout l’après-midi de la veille dans la chambre de Samia, la main de la jeune femme dans la sienne, à la regarder dormir, à lui sourire lorsqu’elle s’éveille. Rudy a prétendu le mettre à la porte à huit heures du soir en lui assurant que tout allait bien, mais l’œil noir de Boher lui a vite fait comprendre que ce n’est pas une bonne idée. Et il est resté là, assis dans un fauteuil. Samia s’est endormie en serrant sa main, il refuse de lâcher cette main pour aller rejoindre le personnel de garde et les enfants, en train de réveillonner dans la salle de jeux. Alors Eddie lui a apporté un plateau avec quelques agapes, en lui disant qu’une simple anesthésie et un prélèvement ne valent pas la peine qu’il se laisse mourir de faim. Il a remercié la petite, il a un peu grignoté, un peu somnolé aussi, se réveillant à intervalles réguliers au rythme des visites de l’infirmière de garde. En s’éveillant, ce matin de Noël, la première chose qu’a vue Samia, c’est le profil de Boher endormi dans son fauteuil, sa grande main posée sur le drap tient toujours la sienne. A son tour de le regarder dormir, elle se tourne sur le côté pour mieux le contempler. Aïe, le bas du dos lui fait encore mal… mais elle se sent bien, elle a même faim. Boher l’a sentie remuer malgré les précautions qu’elle a prises, il ouvre les yeux, tourne la tête vers elle.

- Salut, chuchote Samia.

- Salut… il porte la main de la jeune femme à ses lèvres, embrasse sa paume. Joyeux Noël miss !

- Joyeux Noël ! dit Samia, caressant de sa main sa joue rugueuse.

Leurs regards ne se lâchent plus. Tout doucement, Boher approche son visage de celui de Samia. La porte, en s’ouvrant, les fait sursauter. Ce sont les plateaux du petit-déjeuner qui arrivent. Samia prétend se lever, il dit qu’elle est encore faible et qu’elle doit rester allongée, elle proteste qu’elle se sent très bien. Ils sont à deux doigts de s’engueuler lorsque Rudy entre dans la chambre et autorise la jeune femme à se mettre debout dès qu’on lui aura enlevé ses perfusions, demain matin elle pourra rentrer chez elle.

Ils ont passé la journée de Noël avec les enfants. Le gros Père Noël, que Boher avait croisé dans le hall d’entrée, est venu distribuer des cadeaux. Des bénévoles sont venus pour entonner quelques chants traditionnels. Samia la musulmane, attendrie, écoute Boher mêler sa voix à celle des petits malades pour chanter « il est né le divin enfant »… Et le soir, alors qu’ils font quelques pas dans le couloir afin que Samia se dégourdisse les jambes, à nouveau leurs mains se nouent. Il lui dit que c’est l’un des plus merveilleux Noël qu’il ait eu depuis bien longtemps, parce qu’elle est avec lui et peu importe l’endroit. Elle se blottit dans ses bras, lui répond que pour elle aussi c’est un très beau Noël. Il pose tout doucement ses lèvres sur les siennes, veut s’écarter d’elle après une caresse légère. Mais les deux mains de Samia enserrent sa nuque pour un baiser plus profond qui les laisse abasourdis, essoufflés et rougissants au milieu du couloir. Eddie, qui les observe de loin, s’élance vers eux, leur tourne autour en chantonnant :

- Je le savais ! Je le savais ! Tu es son amoureux ! Tu es son amoureux ! Et vous êtes sous le gui ! Ça porte bonheur youpiiiiiiii !

Souriants, ils lèvent la tête, contemplent le plafond où sont scotchés le houx et les boules de gui. Depuis le bureau vitré, Rudy les regarde avec un sourire en coin.

Au même moment, au bar du Mistral, Léo aide Roland à faire circuler les treize desserts traditionnels des Noëls provençaux. Personne n’a vu Boher dans le quartier depuis deux jours. Le capitaine espère bien avoir suffisamment piqué la curiosité du brigadier pour qu’il ait foncé à la Timone toutes affaires cessantes, et que son petit miracle de Noël personnel est accompli…

 

FIN

Décembre 2009

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