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Patou St Victor fait des histoires

Poésie - Nouvelles - Fanfictions - Les contenus présents sur ce site sont la propriété exclusive de PatouStVictor

- La Saint Valentin ou quand tout bascule ! - Fic Plus belle la vie / Quand les Boher n'étaient pas encore un couple ! / Février 2010

 

1 – SAMIA, MÉLANIE

 

- Tu comprends Samia ? Je suis désolée de te demander ça et…

- Mais oui je comprends, ne t’inquiète pas.

Mélanie leva les yeux de sa tasse de thé, fixa son amie qui avait le nez dans la sienne. Son air un peu triste lui fit de la peine.

- Bon écoute, on va essayer de trouver une autre solution, après tout les enfants pourraient aller chez…

- Arrête Mélanie, je viens de te dire que je suis d’accord. Et je trouve ça normal, c’est ta première Saint Valentin avec Benoît ! Vous n’allez pas fêter ça en famille chez lui, avec Sybille et Raphaël au milieu ? D’ailleurs, si je te le demandais, tu ferais pareil pour moi.

Samia s’efforça de sourire pour rassurer Mélanie qui restait silencieuse.

- Alors c’est entendu ! Samedi matin je bosse, donc je partirai au commissariat avec mes petites affaires de rechange et je te promets que tu ne me reverras pas avant lundi ! Vous serez tranquilles, Abdel a prévu de passer tout le week-end avec Barbara.

Mélanie fit un beau sourire, son regard s’illumina. Samia pensa que l’amour lui allait bien, puis se demanda comment elle allait s’organiser, en fait elle n’en avait aucune idée… Elle était heureuse pour Mélanie, mais elle se reprocha de ressentir tout de même de l’envie. Elle savait d’instinct que son amie était enfin au tout début de sa première histoire d’amour sérieuse depuis le départ de Malik. Autour d’elles, leurs copains et copines à défaut d’être en couple, avaient tous sans exception quelqu’un dans leur vie, aucun n’allait se retrouver seul le soir du 14 février. Et elle… Son dernier coup de cœur avait été pour un voyou qui ne valait pas les larmes qu’elle avait versées à cause de lui. Elle se demanda amèrement si elle n’était pas en train de devenir une handicapée des sentiments vouée à vivre sa vie en solitaire, tenta de chasser cette perspective peu réjouissante et acheva de boire son thé en écoutant distraitement Mélanie lui dérouler ses projets pour le grand soir, menu, décoration, petit cadeau, musique douce… elle avait déjà tout planifié.

 

2 – BOHER

 

Bizarre de passer la porte du commissariat… Combien de temps ça fait ? Ah oui, un mois quand même. Un mois que Leserman m’a collé un arrêt de travail. Comme si j’avais besoin de ça. J’aurais préféré bosser pour oublier moi… Rien de tel que le taf pour ne plus penser, et en plus c’est tout ce qui me reste. J’ai bien failli le foutre à la poubelle son papier, mais manque de bol j’ai pas pu m’empêcher de le dire à Nassri qui faisait le pied de grue pratiquement à la porte du cabinet médical, et bien sûr il a fallu qu’elle en parle à la commissaire, qui évidemment a insisté pour que je m’éloigne. Bien trop contente de se débarrasser de moi celle-là. C’est pour mon bien qu’elles m’ont dit… Tu parles ! Ah les femmes… Toujours à se mêler de ce qui les regarde pas ! Et en plus ils voulaient tous me coller entre les mains d’un psy ! Manquait plus que ça ! Enfin, ça m’a obligé à prendre quelques vacances. Un petit coup de fil à la sécu pour signaler que je foutais le camp de Marseille et donner mon adresse de convalescence, et hop direction l’Alsace. Sauf que maman n’était pas ravie de me voir rappliquer dans cet état… Ça m’a fait du bien de revoir la famille mais ses regards inquiets à elle, et ses questions… Et c’est quoi ces cachets que tu prends, et qu’est-ce que tu as, et quand est-ce que tu nous donneras des petits-enfants, et gnagnagna… La pauvre, heureusement que je lui ai pas tout raconté, elle en aurait fait une attaque ! Nassri m’a appelé deux fois pour prendre de mes nouvelles. Sympa quand même, sauf que maman était là quand j’ai pris ses appels et qu’elle m’a bombardé de « qui c’est qui c’est pas… Ah oui ta collègue… Elle est gentille ? Elle est jolie ? »… J’en pouvais plus, sans compter que je savais pas trop quoi lui raconter, pas très clairs quand même nos rapports, à Nassri et moi. D’abord on s’est détestés, puis il a bien fallu qu’on apprenne à bosser ensemble, finalement on est devenus plutôt potes, pendant un temps j’ai même cru que peut être… Putain mais que j’étais naïf ! Quand je la revois en train de me faire du rentre-dedans pendant l’affaire de la villa Cypriani ! Là j’ai compris qu’il fallait vraiment que je passe à autre chose et vite ! Et voilà que maintenant on est amis, même qu’elle se mêle un peu trop de ma vie. Va falloir que je mette un peu les points sur les « i » avec elle. C’est vrai quoi, je suis pas un gamin et j’ai pas besoin qu’on veille sur moi ! Quand je pense que début janvier je commençais à réfléchir à une Saint Valentin d’anthologie, ma première depuis longtemps, et là… c’est le 13 février et plus rien… le silence, le vide total, intersidéral je dirais même. J’ai fait quoi pour mériter une telle cruauté du destin moi ? Bon… allez Boher, va te changer ! Au moins pendant que tu bosses t’arrêteras de gamberger à ta vie terne et sans aucun intérêt.

 

3 – SAMIA

 

C’est son jour de reprise, je me demande comment je vais le retrouver ? Il était dans un état quand il est parti ! A ramasser en petits morceaux dans le caniveau ! J’espère qu’il va mieux… Vu l’heure il doit déjà être dans les vestiaires en train de se changer. J’ai appelé deux fois pour prendre des nouvelles, mais il m’a répondu d’un ton tellement neutre que je me suis demandé s’il était vraiment content de m’entendre ou si je l’ennuyais ? Du coup j’ai plus osé rappeler. Après tout il était en famille, il n’avait pas besoin de moi. S’il reprend le boulot c’est que ça doit aller quand même ? De toute manière dès que je le verrai, je saurai. Je le connais tellement ! La vie est bizarre parfois. D’abord on s’est bouffé le nez tant qu’on pouvait, ensuite il a fallu qu’on bosse tous les deux et c’était pas gagné, maintenant j’espère être son amie… c’est un type bien. Il ne méritait pas ce qui lui arrive. Bon, où est-ce que je vais aller dormir ce soir ? Parce que pour être lucide, je suis à la rue moi. Entre ceux qui ont pris des congés et qui sont déjà partis, et les autres qui ne veulent pas s’encombrer d’une troisième personne pour le week-end des amoureux, me voilà bien. Jusqu’à Estelle et Rudy qui me l’ont jouée « tu comprends on se voit pas beaucoup avec les gardes de Rudy, alors pour une fois qu’on peut profiter ». D’accord, j’ai compris ! Il n’y a que Victoire qui m’a proposé quelque chose. Enfin… Tu parles d’une proposition… M’inviter pour un grand « week-end d’amour » chez elle « avec tout plein de beaux mecs à tomber » censés me faire baver d’envie ! Il n’y a qu’elle pour avoir des idées aussi tordues pour la Saint Valentin ! Transformer la soirée des amoureux la plus romantique de l’année en deux jours de beuverie non stop et limite échangiste… Rien qu’à voir ma tête, Rudy et Estelle se retenaient de pouffer. En plus j’avais l’air idiot quand j’ai remercié et que j’ai dit non. Evidemment elle m’a répondu un truc genre qu’elle savait que je refuserais, parce que j’étais bien trop coincée… Si c’est ça être coincée, alors oui je suis coincée ! Allez, faut que je me dépêche d’aller me changer ! Je vais finir par être en retard et Bergman, c’est pas Madigan, elle est pas cool du tout avec les horaires. Et pour ce soir, en dehors de prendre une chambre au Sélect, je vois pas trop ce que je vais bien pouvoir faire…

 

4 – SAMIA, BOHER

 

En entrant dans les vestiaires du commissariat, Samia se trouva nez à nez avec Boher déjà en tenue, assis sur un banc, le dos rond, les mains sur les genoux et les yeux dans le vague. De saisissement elle lâcha le sac où elle avait jeté pêle-mêle quelques affaires avant de quitter son appartement. Comme il a maigri, pensa-t-elle. Bien qu’il soit assis et ramassé sur lui-même, elle s’est aperçue tout de suite que son visage s’est creusé et qu’il flotte dans son uniforme. En entendant la porte s’ouvrir, il a tourné la tête vers elle, et Samia a sentit sa gorge se serrer en plongeant dans son regard triste et inexpressif. Prenant sur elle, la jeune femme réussit tout de même un beau sourire.

- Boher ! Je suis contente de vous revoir. Vous avez bonne mine !

- Ça va Nassri. Pas la peine de vous forcer, je sais bien que j’ai une tronche épouvantable.

Elle vint le rejoindre sur le banc.

- Comment vous allez ?

- A votre avis ?

- Vous n’auriez pas dû reprendre le boulot, c’est peut être un peu tôt non ?

- Au contraire, pendant que je bosse ça m’évitera de penser. D’ailleurs en dehors de mon job, qu’est-ce qui me reste ? Encore bien content d’avoir toujours un boulot !

Samia ne répondit pas. Spontanément, sans réfléchir, elle fit glisser sa main dans la sienne.

- Allez venez, je vous offre un mauvais café à la cuisine ! On peut pas rester là, si Bergman traîne dans les couloirs et qu’elle ne nous voit pas, ça va chauffer… A croire qu’elle apprend les plannings par cœur !

Boher se leva, se laissa guider vers la sortie. Au passage il remarqua le grand sac que Samia avait laissé tomber par terre en entrant.

- Vous déménagez ?

Elle hésita, un sursaut d’orgueil la poussait à dire qu’elle avait prévu un week-end chez des amis, puis elle eut honte de vouloir lui mentir. Lâchant la main de Samia, Boher se dirigea machinalement vers la cuisine. Chemin faisant, quelques collègues lui prodiguèrent tapes amicales dans le dos ou sur le bras, et quelques souhaits de bienvenue. S’asseyant sur une chaise, il regarda Samia prendre deux tasses, les poser devant lui et verser le café.

- Vous ne m’avez pas répondu. Qu’est-ce que vous faites avec ce sac ?

- Ben… Samia s’assit en face lui. Ce week-end je laisse l’appartement à Mélanie. Elle voulait être seule avec Benoît, alors je vais aller m’installer ailleurs, je rentrerai lundi.

- Ah ? Ça marche alors, Mélanie avec Cassagne ?

- Plutôt bien, oui.

- J’espère que ça va continuer, elle mérite d’être heureuse.

- Oui c’est sûr… répondit Samia machinalement.

- Et vous allez faire comment ce soir ?

- En fait j’en sais trop rien… je pensais aller au Sélect.

Autour d’eux, régnait l’agitation habituelle du commissariat, leurs collègues allaient et venaient, s’interpellaient, riaient, ouvraient le frigo, repartaient. La commissaire arriva à son tour, interrompant leur conversation.

- Brigadier ! Contente de vous revoir. Prêt pour le service ?

- Oui commissaire.

- Eh bien dans ce cas je ne vois pas ce que vous faites encore là, dit Marie Bergman sèchement. Nassri, vous le mettez tout de suite au courant des affaires en cours, il y a du boulot ! Tournant les talons après avoir rempli un gobelet d’eau, elle repartit vers l’accueil. D’un même élan Samia et Boher se levèrent pour se diriger vers leurs bureaux respectifs.

- Vous avez vu Abdel ? demanda Samia.

- Oui, il est venu chez moi hier, ça m’a fait plaisir. Il a prévu de passer le week-end de la Saint Valentin avec Barbara.

- Ah ? Il vous l’a dit ?

- Evidemment.

- C’est sûr, c’est important.

- La Saint Valentin c’est important seulement quand on est en couple, dit Boher amèrement. Pour les autres, c’est dimanche et point barre.

Samia changea de sujet, s’empara de quelques dossiers sur son bureau. Plaintes, petits trafics en tous genres, vols à l’arrachée, le travail ne manquait pas. Mais au fur et à mesure qu’elle déroulait pour lui la vie du commissariat pendant son mois d’absence, elle eut la nette impression que tout ça ne l’intéressait pas vraiment. Le menton dans la main, le coude posé sur les dossiers, il la fixait au lieu de regarder les papiers qu’elle avait étalés sur le bureau.

- Vous pouvez venir dormir chez moi si vous voulez.

- Pardon ?

- Je vais pas vous sauter dessus si c’est ça qui vous inquiète. Vous prendrez ma chambre et je dormirai dans le clic-clac du salon. Ça vous évitera de dépenser de l’argent.

- J’ai pas peur que vous me sautiez dessus j’ai confiance en vous, répondit Samia. Je ne veux pas vous déranger c’est tout.

- Au contraire, ça me fera du bien de pas être seul.

- Alors j’accepte. Mais à une condition : le clic-clac est pour moi.

- Pas question !

- Dans ce cas je ne viens pas.

- Ce que vous êtes têtue ! Une vraie mule ! Vous changez pas vous, toujours aussi butée !

- Je vois pas pourquoi je changerais, dit Samia en souriant. Elle se sentait bien tout à coup, parce qu’elle venait de voir ressurgir devant elle, en une fraction de seconde, l’ancien Boher, son coéquipier avec qui elle avait pris l’habitude de jouer au chat et à la souris, le vrai Boher de toujours, celui de toutes les chicaneries et de toutes les confidences. Elle se rendit compte qu’il la fixait avec des yeux amusés, dans lesquels elle retrouva un peu du pétillant « d’avant », et d’un coup elle se sentit plus légère et plus heureuse qu’elle ne l’avait été depuis bien longtemps.

- Boher je vous fais une proposition !

- Laquelle ?

- Demain soir si vous voulez, on fête le 14 février nous aussi…

- C’est-à-dire ? Je ne vous suis pas trop là !

- Eh bien… On peut aller dîner, ce sera notre Saint Valentin d’amitié à nous, même si elle n’est pas conforme à la tradition ! Allez, je vous invite. J’ai découvert un petit restau sympa et sans prétention en allant vers Aubagne, en plein dans les collines. Je suis sûre que vous aimerez ! Et ne me répondez surtout pas que vous n’avez pas envie de sortir. Parce que vos manières d’ours mal léché, je me suis déshabituée moi depuis qu’on ne s’est plus vus, alors faites un effort !

 

5 – LUNDI 15 FÉVRIER

 

Une sonnerie stridente de réveil fit sursauter Samia plongée dans le sommeil. Encore à moitié endormie, elle se demanda où elle était, puis au fur et à mesure tout lui revint en mémoire…

Le samedi soir comme convenu elle suivit Boher jusque chez lui. La journée au commissariat avait été agitée et ils avaient tous les deux besoin de repos. Ils entrèrent chez un traiteur acheter de quoi dîner mais ils n’avaient guère faim ni l’un ni l’autre et plus de la moitié du gratin dauphinois, qui leur avait fait envie sur le moment, termina la soirée dans le réfrigérateur. Après une ultime dispute pour savoir lequel des deux prendrait le clic-clac, elle menaça de partir et Boher s’en alla finalement se coucher dans son lit en marmonnant quelque chose à propos du foutu caractère d’une certaine personne.

Dans la nuit, Samia fut réveillée par des bruits provenant de la chambre. Pieds nus et à pas de loup, elle vint coller l’oreille à la porte et son cœur se serra quand elle réalisa qu’il était en train de faire un affreux cauchemar. Sans plus d’hésitation, elle entra et s’approcha du lit, où Boher en sueur s’agitait en bredouillant alternativement des plaintes et des insultes incompréhensibles. L’éclairage public qui filtrait à travers les volets fermés mettait des ombres inquiétantes sur son visage, et une telle douleur y était visible qu’elle en eut brusquement l’estomac au bord des lèvres. Elle tâtonna à la recherche de l’interrupteur de la lampe de chevet, puis le secoua pour le réveiller. Lorsque son regard redevint lucide, il y avait tant de détresse dans ses yeux qu’elle le prit dans ses bras, lui chuchotant que ça n’était rien d’autre qu’un mauvais rêve.

Pour le grand désarroi de Samia, il se lova en boule contre elle et se mit à pleurer. Le ventre tordu de voir s’effondrer un coéquipier qu’elle avait toujours considéré comme un roc indestructible, elle se mit à lui caresser les cheveux. Elle était tellement bouleversée que dans un éclair, elle sut… Elle ouvrit les yeux d’un coup avec une lucidité exacerbée, sur la force des liens qui l’attachaient à cet homme. Elle l’aimait et il était trop tard pour lui avouer cet amour qu’elle sentait brusquement déborder du plus profond de son être, où elle l’avait soigneusement enfoui depuis si longtemps. Lorsqu’il se calma enfin, tendrement elle l’obligea à s’allonger de nouveau afin qu’il se rendorme. Il protesta qu’il n’était plus un gamin, qu’il ne voulait pas de sa pitié, et qu’elle n’avait pas à s’occuper de lui comme ça. Alors elle colla son corps contre le sien en le faisant taire, promettant de le réveiller si le cauchemar revenait. Apaisé par la voix douce de Samia, épuisé par bien des nuits blanches ou tarifées par des médicaments, il s’endormit dans ses bras. Pour la première fois depuis longtemps, il dormit d’un sommeil paisible et sans rêves, pendant que Samia, les yeux grands ouverts, incapable d’en faire autant, écoutait son souffle régulier, et laissait ses larmes couler librement en le serrant contre elle, pleurant en silence sur son amour perdu par sa faute, et sur ce temps enfui qu’ils ne rattraperaient plus. Elle ne réussit à s’endormir qu’au petit matin, épuisée et les yeux gros de larmes.

Lorsqu’elle s’éveilla, le jour avait envahi la chambre. Elle sentit le corps de Boher contre le sien, tourna la tête pour s’assurer qu’il dormait… et sursauta en rencontrant deux yeux bien ouverts. Appuyé sur un coude, il la regardait. Qu’est-ce qu’on peut avoir comme idées futiles dans de tels moments… La première chose qui lui vint à l’esprit, c’est que ses yeux devaient être rouges, cernés et gonflés, et ses cheveux tout emmêlés. Une tête à faire peur ! Mais elle s’efforça tout de même de lui sourire.

- Vous… Euh… Vous êtes réveillé depuis longtemps ?

- Un moment… Vous devez être magicienne Samia.

C’était si rare qu’il l’appelle par son prénom, et c’était là une bien douce musique.

- Pourquoi vous dites ça ?

- C’est la première fois depuis longtemps que j’arrive à bien dormir, et c’est grâce à vous.

Soudain très rouge, elle ne lui répondit pas, sauta du lit et se sauva vers le salon. Il ne chercha pas à la retenir.

Il pleuvait sur Marseille en ce dimanche 14 février. Ni l’un ni l’autre ne travaillaient, ils restèrent enfermés. Une gêne s’était installée malgré eux, mais ils décidèrent de s’en tenir à leur projet initial. Le soir venu, ils partirent dîner dans le petit restaurant dont Samia lui avait parlé, et où il y avait très peu de monde, le patron n’ayant pas proposé à ses clients de menu spécial pour la Saint Valentin. Samia fut contente de voir Boher apprécier la cuisine et manger avec appétit. Durant tout le repas, il l’observa avec une acuité embarrassante mais elle fit mine de ne pas s’en apercevoir. Finalement, alors qu’elle plongeait sa cuillère dans un flan qu’ils avaient décidé de partager, il lui demanda pourquoi elle avait tant pleuré. Elle ne sut pas quoi dire et baissa la tête. Alors il s’empara de sa main posée sur la nappe et la serra. Le regard qu’elle eut alors pour lui se passait de toutes les phrases superflues. Il n’y eut pas d’autres mots, seulement leurs yeux qui s’accrochèrent pour ne plus se lâcher, et la main de Samia qui resta dans la sienne.

Lorsqu’ils regagnèrent l’appartement de Boher, sans se concerter ils s’allongèrent de nouveau ensemble dans le grand lit. Alors elle osa enfin parler, lui demander pardon parce qu’elle se sentait coupable de tout ce qui lui était arrivé. Si elle avait eu le courage de mettre au clair ce qu’elle ressentait, jamais il n’en serait arrivé là. A présent qu’il était trop meurtri, et qu’elle avait été trop lâche, leur chance était passée… Mais il la fit taire en la prenant dans ses bras, la serra contre lui comme s’il avait peur qu’elle ne s’échappe. Il lui chuchota qu’il n’est jamais trop tard, que seule la mort est irréversible. Bien sûr il avait besoin de temps, mais il avait pensé à elle jusqu’à l’obsession durant ce long mois de convalescence, et il y avait puisé la force de se battre. Un jour viendrait bientôt, une fois les blessures encore béantes refermées, où ils ne se quitteraient plus. Eperdue, Samia sentit sa bouche contre la sienne. Il l’embrassait… oui, il l’embrassait ! Oh merci mon Dieu, il avait envie de ses lèvres. Elle lui rendit son baiser lentement, très lentement, comme si elle avait peur de l’effrayer, elle osa insinuer sa langue à la recherche de la sienne, prolongea la caresse. Ce fut très doux, mais sans aucune hésitation ni aucun doute, c’était tout simplement une merveilleuse évidence qui explosait dans leurs têtes. Il ne se passa rien d’autre mais ils s’endormirent enlacés, enfin en paix avec eux-mêmes.

Le lundi matin, lorsque le réveil fit sursauter Samia, elle s’étira, contempla tendrement l’homme couché près d’elle qui dormait, la sonnerie n’avait pas réussi à le déranger. Avec précaution elle sortit du lit pour aller prendre une douche. Pendant que l’eau coulait sur son visage, évacuant les derniers doutes, les dernières peurs, les dernières souffrances, elle réalisa que finalement, ils l’avaient eue leur vraie Saint Valentin, et que le sort de deux êtres que tout opposait pouvait basculer en un week-end. Elle se souviendrait à jamais de celui-ci, parce que la vie venait de lui faire un somptueux cadeau en lui offrant une lumière d’espoir, la machine à remonter le temps, une seconde chance avec celui qu’elle aimait, une merveilleuse promesse d’avenir. Comme un avare son trésor, elle avait enfoui en elle le goût de leur baiser. C’était sûrement ça qu’on appelait le bonheur.

 

FIN

Février 2010

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